Les mesures de puissance dans les montages électroniques laissent souvent les gens perplexes ne serait-ce que par le nombre de définitions qui s'y rapportent. L'objet de la première partie de ce chapitre est de clarifier les choses en donnant quelques définitions simples. Une deuxième partie fournit des éléments de calcul des radiateurs qu'il faudra fixer sur les semi-conducteurs dès lors que la puissance dissipée excédera un watt. Les rappels de mesure de puissance seront ici très utiles : les calculs de radiateurs nécessitent de connaître la puissance dissipée par l'élément à refroidir, et en pratique, dans un montage électronique, les signaux de courant et tension seront souvent complexes, et on ne pourra pas, pour calculer la puissance, utiliser les formules vues en électricité et applicables seulement dans le cas de signaux sinusoïdaux.
La valeur instantanée d'un courant ou d'une tension, c'est sa valeur à un instant donné. L'ensemble de ces valeurs donnent les fonctions u(t) et i(t), respectivement tension et courant en fonction du temps. Ce sont les courbes que l'on verra affichées sur l'oscilloscope (la tension se mesure directement avec l'oscilloscope ; pour le courant, on mesure en fait soit la tension aux bornes d'un shunt, soit la tension de sortie d'une sonde de courant).
C'est la définition de la puissance. Toutes les autres en sont dérivées. C'est le produit de la tension instantanée par le courant instantané.
Pour des tensions et courants continus, on retrouve bien entendu P = UI. Il faut noter ici que pour des composants autres que des résistances, cette formule est toujours la seule valable, et que dans les composants électroniques dits actifs , il n'y a pas que la résistance interne qui dissipe de la puissance. Exemple : une diode zéner. La tension dissipée dans ce composant est égale à Vz Iz, et le terme Vz comprend aussi bien le générateur de tension Vzo que la chute de tension dans la résistance rz.
La valeur moyenne d'un signal de courant ou tension est obtenue en faisant la moyenne de toutes les valeurs instantanées sur un intervalle de temps [to, t1], soit en intégrant le signal de tension ou de courant sur l'intervalle considéré et en le divisant par l'intervalle de temps :
La formule est évidemment la même pour le courant.
La formule [2] est aussi valable pour la puissance en remplaçant u(t) par p(t). Si dans cette formule on remplace p(t) par sa valeur (formule [1]), on a:
On voit ici qu'il est absolument hors de question de dire que la puissance moyenne sur un intervalle de temps donné est égale au produit de la tension moyenne par le courant moyen ! C'est justifié du point de vue mathématique par le fait que l'intégrale d'un produit de 2 fonctions n'est absolument pas égale au produit des intégrales de ces fonctions. On peut remarquer autre chose : l'intégrale de la puissance instantanée sur un intervalle [to, t1] est en fait l'énergie W fournie ou absorbée par un composant pendant cet intervalle de temps. La puissance moyenne est donc l'énergie fournie ou absorbée par le composant divisée par la durée de l'intervalle d'étude.
Les formules des valeurs moyennes sont très simples à interpréter graphiquement :
Fig. 1. Tension moyenne sur un intervalle de temps.
Sur la fig. 1., le schéma de gauche représente le signal instantané de la tension pendant l'intervalle de temps [to, t1]. La valeur moyenne umoy représentée sur le schéma de droite est telle que les surfaces hachurées So et S1 soient les mêmes. Ces surfaces correspondent mathématiquement à l'intégrale des fonctions sur l'intervalle [to, t1].
On a vu que pour déterminer la puissance induite par une tension alternative quelconque dans une résistance, il faut intégrer. On ne peut pas utiliser la valeur moyenne de la tension. Les valeurs efficaces ont été créées pour pallier cet inconvénient : le carré de la tension efficace est proportionnel à la puissance que cette tension va fournir à une résistance. Les valeurs efficaces sont donc par définition liées à la notion de puissance. Ainsi, la tension efficace d'un signal alternatif quelconque sera égale à la tension continue qui induirait les mêmes effets d'échauffement dans une résistance que ce signal alternatif. Pour une tension alternative quelconque appliquée à une charge résistive, on a les équations :
On en déduit :
La formule donnant la puissance moyenne dans cette résistance est :
La tension continue ueff qui donnerait la même puissance dans cette résistance est donc :
pmoy est alors simplement égal à :
On retrouve la formule applicable en régime continu.
En fait, la puissance efficace n'existe pas !!! Et c'est de là que viennent malheureusement bien des confusions. Cette confusion est entretenue par le fait que certaines spécifications de produits (notamment amplificateurs HIFI) parlent de puissance efficace. En fait, les valeurs efficaces sont relatives aux courants et tensions, et on a vu que par définition, elles donnent la même puissance qu'une tension continue égale : la puissance calculée à partir d'une tension ou d'un courant efficace est donc une puissance moyenne !
Les valeurs crêtes sont les extremums des signaux sur un intervalle de temps donné. Elles ont un intérêt en électronique (surtout les tensions) car ce sont ces valeurs qui vont déterminer le dimensionnement des semi-conducteurs (diodes, transistors ). On a vu en effet que les phénomènes de claquage des jonctions se produisaient à partir de tensions bien déterminées, et même si les dépassements sont de très courte durée, il peut y avoir destruction rapide des semi-conducteurs exposés à ces surtensions. Dans tout montage, on surveillera donc les tensions crêtes appliquées aux semi-conducteurs, surtout dans les montages où on commute des éléments à composante inductive (relais, selfs, haut-parleurs ). Pour ce qui est des puissances, les valeurs crêtes ont moins d'importance, car le composant a une inertie thermique qui permet d'absorber ces pointes sans trop de dommages : on pourra ainsi mesurer des puissances crêtes très élevées pendant des temps très courts sans que le composant ne chauffe, car dans ce cas, c'est la puissance moyenne qui compte. Il y a quand même une limite à cela, et en général, pour les composants de puissance (transistors, diodes ), le fabricant fournit des abaques qui donnent la puissance crête à ne pas dépasser en fonction du temps d'application et de la fréquence de répétition des pulses de puissance. Il convient de noter que les puissances maximums ne seront probablement pas enregistrées aux mêmes endroits que les courants et / ou tensions maxi : en effet, les crêtes de puissance sont obtenues quand on a simultanément un fort courant et une forte tension, et l'expérience montre que habituellement, les maxis de tension sont observés à faible courant et vice versa. Il ne suffira donc pas en général de localiser les pics de courant et de tension pour avoir ceux de puissance.
Comment mesurer toutes ces grandeurs en pratique dans un laboratoire ? La plupart des multimètres numériques sont dotés de convertisseurs qui intègrent les signaux pendant un temps donné : par construction, ils donnent comme indication les valeurs moyennes des tensions et courants mesurés. (les galvanomètres magnéto-électriques à cadre mobile aussi, mais on ne les voit plus beaucoup dans l'industrie ) Il faudra se méfier de certains multimètres de compétition , très rapides et destinés à être branchés sur des ordinateurs par liaison IEEE ou GPIB (ou autre ) et qui donnent la valeur instantanée du signal (soit la valeur à l'instant précis de la mesure). Il faut alors bien maîtriser le point où se fera la mesure (trigger). Il n'est plus ici question de valeur moyenne. Dans tous les cas, trois règles d'or :
essayer la mesure avec un signal connu (générateur basse fréquence).
dans le doute, abstiens toi . Mieux vaut pas de mesure qu'une mesure complètement fausse.
lire la documentation du matériel (eh oui !). On l'a vu, les oscilloscopes donnent les valeurs instantanées des courants (via un shunt ou une sonde) et tensions. Pour ce qui est de la puissance, les oscilloscopes numériques actuels (excepté les modèles d'entrée de gamme, mais l'évolution est rapide dans ce domaine) sont capables de faire le produit des signaux issus de deux voies différentes : en mettant la tension sur la voie A et le courant sur la voie B, on peut obtenir la puissance instantanée en temps réel sur l'écran de l'oscilloscope. Pour ce qui est des valeurs moyennes, ces oscilloscopes numériques disposent en général de fonctions donnant l'aire d'un signal (l'intégrale) : on a donc accès aux valeurs moyennes des signaux par ce biais (il faudra faire très attention au calage du zéro des courbes !). La mesure à l'oscilloscope de valeurs moyennes peut être rendue obligatoire pour des signaux rapides (les multimètre ont des bandes passantes souvent faibles : relire la documentation si ce n'est déjà fait !) ou très complexes : dans ce cas, il est préférable de voir ce qu'on fait. On pourra aussi corréler les mesures oscilloscope et multimètre : si elles sont égales, on préférera le multimètre, plus précis, tout en surveillant les opérations sur l'écran de l'oscilloscope. Pour ce qui est des valeurs efficaces, à de rares exceptions près, on ne les utilisera pas en électronique. Ces notions sont beaucoup plus utiles en électrotechnique, et encore, car l'avènement des composants électroniques de puissance dans ce domaine et leurs applications (hacheurs, onduleurs et convertisseurs divers ) ont fait apparaître bien d'autres contraintes dans les mesures (entre autres les phénomènes transitoires sur des composants selfiques, où les déphasages courant/tension ne sont pas aussi simples qu'en régime établi). On se souviendra seulement que ces valeurs efficaces sont un artifice de mesure donnant simplement la puissance (moyenne !) sans faire de calculs, mais dans des conditions de mesure bien particulières, souvent inapplicables en électronique et qu'elles étaient initialement liées à du matériel de mesure spécifique (galvanomètre ferromagnétique).
Dans un transistor, l'essentiel de la chaleur produite l'est dans la jonction collecteur-base. Si cette jonction était isolée thermiquement, sa température deviendrait vite très élevée. La température maxi de jonction pour le silicium est d'environ 175°C. Au delà, le semi-conducteur dopé retrouve quasiment un comportement de semi-conducteur intrinsèque, car l'élévation de température augmente beaucoup le nombre de porteurs minoritaires (création de paires électrons-trous par agitation thermique). On évitera de toutes façons de travailler à des températures élevées, car la fiabilité d'un composant électronique décroît très vite quand la température augmente. On est donc obligés d'évacuer les calories produites dans les jonctions des semi-conducteurs, en fixant ceux-ci sur des radiateurs. Cette évacuation va se faire par les trois échanges thermiques fondamentaux :
par conduction d'abord : les calories produites à la jonction du silicium vont se propager à la surface extérieure du boîtier du composant, puis du radiateur, éventuellement au travers d'un élément isolant (mica ou isolation du boîtier du composant en époxy).
par convexion ensuite : l'air chauffé au contact du radiateur s'élève et laisse la place à de l'air plus frais ; il y a une circulation naturelle de l'air autour du radiateur (attention à ne pas entraver cette libre circulation : les radiateurs doivent être bien dégagés pour remplir leur rôle efficacement).
et enfin, par rayonnement : l'énergie est transmise sous forme d'ondes électromagnétiques au milieu ambiant.
L'efficacité de ces échanges thermiques sera fonction du composant, de la fixation composant / radiateur, de la taille du radiateur (la convexion et le rayonnement sont proportionnels à sa surface), de sa forme et de sa position (convexion plus ou moins efficace), et de sa couleur (le noir mat rayonne plus que toute autre couleur). Il y a néanmoins une limite à la taille du radiateur : au delà d'une certaine valeur, l'efficacité n'augmente plus. C'est dû au fait que les calories doivent se propager par conduction sur toute la surface du radiateur, et cette propagation est limitée. La dissipation est proportionnelle à la différence de température qui existe entre le radiateur et le milieu ambiant. On caractérise le pouvoir de dissipation d'un montage thermique par l'élévation de sa température par rapport au milieu ambiant et ceci pour une puissance dissipée égale à 1W : c'est la résistance thermique de l'élément :
Cette relation est connue sous le nom de loi d'Ohm thermique . On considère ici un semi-conducteur monté sur un radiateur : ce qui nous intéresse est l'élévation de température de la jonction par rapport à la température ambiante. Dans la formule [10], on a :
Rth est la résistance thermique jonction-ambiante.
Tj est la température de jonction.
Ta est la température ambiante.
P est la puissance dissipée dans la jonction. L'analogie avec la loi d'Ohm électrique est la suivante : la puissance thermique circule comme un courant, et comme le matériau conducteur s'oppose à cette circulation (résistance thermique, comme la résistance électrique s'oppose au passage du courant), on observe une différence de température entre deux points situés sur le chemin de circulation de la puissance thermique (assimilé à la différence de potentiel électrique). Cette loi est très utile : quand on connait la puissance dissipée et la résistance thermique totale du montage, de la jonction à l'air ambiant, on peut calculer l'échauffement de la jonction par rapport à la température ambiante, et donc la température absolue de la puce. On déterminera alors le radiateur pour que celle-ci reste raisonnable de manière à ne pas détruire le composant. On va voir maintenant de quoi est fait l'empilement thermique, et comment déterminer pratiquement les valeurs de ses composantes.
En pratique, la résistance thermique totale de la jonction à l'air ambiant comporte plusieurs composantes, détaillées à la Fig. 2.
Fig. 2. Sandwich thermique.
Le transistor lui même est constitué de : la puce de silicium.
une plaque de cuivre appelée lead frame qui supporte la puce, lui garantit une certaine rigidité (le silicium est fragile !), et constitue une capacité thermique.
la puce est fixée au lead frame qui est relié électriquement de ce fait au collecteur.
dans certains cas (et de plus en plus), le lead frame est isolé de l'extérieur par une couche d'isolant (genre époxy) qui enrobe le composant : celui-ci peut être fixé directement sur le radiateur sans qu'on ait à se soucier de l'isolation. Ces composants sont de plus en plus utilisés dans l'industrie, car ils évitent d'avoir à rajouter l'isolant dans le processus de fabrication. Quand les composants ne sont pas isolés, il faudra intercaler un dispositif d'isolation entre eux et le radiateur, pour des raisons de sécurité d'une part (on ne peut pas laisser un radiateur à un potentiel de 300V par exemple à l'air libre !), et de fonctionnement d'autre part : on peut être amenés à fixer plusieurs transistors non isolés sur le même radiateur ; si leurs lead frame (qui sont reliés aux collecteurs par construction) sont à des potentiels différents, on risque des courts circuits intempestifs, qui seront évités par l'isolation. L'isolation classique se fait en intercalant une feuille mince de mica entre le transistor et le radiateur ; on complète le montage par un joint de graisse spéciale aux silicones à bonne conductibilité thermique, dans le but d'éliminer des lamelles d'air (très mauvais conducteur de chaleur) entre le transistor, le mica et le radiateur. Du point de vue loi d'ohm thermique, ce sandwich est assimilable à plusieurs résistances mises en série, comme le montre la Fig. 3.
Fig. 3. Empilage des résistances thermiques.
La puce est à la température Tj, et le boîtier du transistor à la température Tb. Le transistor a une résistance thermique Rth j->b qui va déterminer son aptitude à évacuer les calories produites dans la jonction. On peut écrire la loi d'Ohm thermique pour ce composant :
Ensuite, on rencontre la fixation / isolation du transistor sur le radiateur : on va la caractériser par la résistance thermique boîtier / radiateur Rth b->r :
Enfin, il y a la liaison entre le radiateur et l'air ambiant, définie par la résistance thermique du radiateur Rth r->a :
On remarque qu'en additionnant les 3 résistances thermiques, on obtient la résistance thermique totale Rth, et on retombe sur l'équation [10]. Les fournisseurs de composants d'une part, et de radiateurs d'autre part fournissent des données permettant de calculer leur résistance thermique.
En pratique, les constructeurs de transistors (et autre semi-conducteurs de puissance) donnent rarement directement la résistance thermique des composants. Ils donnent très souvent la puissance maxi et la température de jonction maxi, qu'il faut interpréter en général comme suit : la puissance maxi est donnée pour une température de boîtier maintenue à 25°C (radiateur infini, soit avec une résistance thermique Rth r->a nulle) et une température de jonction maximale. Quand on considère l'équation [11], on voit que si on augmente la température de boîtier, pour conserver une température de jonction constante, il faut diminuer la puissance dissipée par le composant. Cette loi est linéaire. On peut alors tracer le graphique de la puissance dissipée en fonction de la température de boîtier, et ceci à température de jonction maxi. On obtient la Fig. 4.
Fig. 4. Courbe de dissipation maxi du transistor.
On peut écrire un cas particulier de l'équation [11] :
On voit qu'on obtient facilement à partir des données du constructeur la résistance thermique du composant. Le graphique Fig. 4. nous enseigne une chose essentielle : plus la température du boitier augmente, plus la puissance dissipable par le composant est faible, jusqu'à devenir nulle quand la température du boitier est égale à la température maxi admissible par la jonction . Une autre chose fondamentale à se rappeler est que la puissance maxi dissipable l'est pour une température de boîtier de 25°C , ce qui correspond à un radiateur infini. Le composant seul, sans radiateur, ne pourra dissiper au mieux que quelques watts !
Si le boîtier du transistor est isolé, il n'y a pas à s'en préoccuper, car c'est pris en compte dans la résistance thermique du composant. Si on met du mica et de la graisse, on prendra Rth b->r égal à 1°C/W. Il existe des isolants ayant un Rth descendant à 0,1°C/W : il faudra se reporter à la notice du fabricant pour vérifier cette valeur. Si la planéïté du radiateur n'est pas parfaite (tôle d'aluminium assez mince par exemple), il faudra tenir compte des éventuelles lames d'air, et ne pas prendre un Rth trop faible.
En pratique, le calcul de la partie thermique d'un montage électronique se fait ainsi : le composant de puissance est défini par des impératifs électriques ; on détermine sa résistance thermique comme indiqué au paragraphe précédent en utilisant les données du fabricant.
on détermine la puissance moyenne dissipée par le composant de puissance par mesures et calculs.
on fait des hypothèses sur la température ambiante maxi où sera situé le montage.
on se fixe une température de jonction maxi en accord avec les impératifs de fiabilité donnés dans le cahier des charges. En pratique, et sauf utilisation extrême de composants spéciaux, cette température sera bien en deçà de la température maxi de jonction admissible (entre 60 et 100°C environ). Il ne reste donc que la résistance thermique du radiateur à déterminer de manière à ne pas dépasser la température de jonction maxi qu'on s'est fixée. Si on additionne membre à membre les équations [11], [12] et [13], on obtient :
On en déduit facilement la résistance thermique radiateur / ambiant qui nous permettra de choisir le bon radiateur dans un catalogue :
Dans le cas où le radiateur serait trop volumineux, ou pire, que le Rth r->a obtenu ne corresponde à aucun radiateur du catalogue, il faut passer à des solutions plus sophistiquées, à savoir convexion forcée par ventilateur (le Rth r->a diminue alors considérablement), ou dans les cas extrêmes, à un refroidissement par circulation de liquide dans le support du composant de puissance.
Tous les calculs faits précédemment sont relatifs au régime établi, qui correspond en théorie à un temps de stabilisation infini (en pratique, les temps de stabilisation de température des radiateurs peuvent être élevés (plus d'une heure), surtout si les radiateurs sont gros : il faudra en tenir compte si on est amené à faire des mesures de température sur des composants de puissance). En pratique, il est rare qu'un boîtier électronique ait à dissiper en permanence la puissance maxi. Il y aura des pointes de puissance pendant des durées limitées suivies de moments de repos relatif, où la puissance dissipée sera beaucoup plus faible. Dans ce cas, afin de ne pas surdimensionner les éléments de refroidissement (qui prennent beaucoup de place en comparaison des circuits électroniques, de plus en plus miniaturisés), il faudra tenir compte du fait que les composantes thermiques ne prennent pas instantanément la température maxi. Ceci provient du fait que le composant a une capacité thermique, qui est en fait sa capacité calorifique :
m est la masse du composant (ou du radiateur), et C sa chaleur spécifique. Le produit mC représente la capacité calorifique du composant. Cette capacité est caractérisée par l'augmentation de température T2 - T1 du composant quand on lui fournit adiabatiquement une quantité d'énergie Q. Plus la capacité thermique (ou calorifique) du composant est élevée, plus la quantité d'énergie à fournir pour augmenter sa température est élevée. On peut remarquer dans l'équation [17] le sens du terme capacité , et l'analogie avec la loi d'Ohm thermique. La quantité d'énergie Q, intégrale de la puissance dissipée est l'équivalent thermique d'une quantité d'électricité, qui est l'intégrale d'un courant électrique. En électricité, on a la relation Q = C (V2 - V1) : si on remplace la différence de potentiel par la différence de température, la capacité électrique par la capacité thermique, et la quantité d'électricité par la quantité d'énergie, on retombe sur la formule [17] de la capacité thermique. Cette formule dédiée au régime transitoire complète donc la loi d'Ohm thermique classique du régime continu.
En pratique, le lead frame va servir de capacité thermique, et va permettre à la puce d'encaisser des puissances instantanées bien supérieures à ce que le calcul de résistance thermique donnerait. Pour un gros transistor de puissance, on a une capacité thermique de l'ordre de 1 à 3 J/K. Si un tel transistor dissipe 200W pendant 100µs, l'énergie qu'il devra absorber sera de seulement 20mJ : l'échauffement correspondant sera dérisoire (0,02°C) ! Ce pulse d'énergie peut être supporté par le transistor nu, c'est à dire non muni de radiateur. Par contre, il est hors de question de faire dissiper en continu une telle puissance à un transistor qui ne serait pas muni d'un radiateur à circulation de liquide ! On voit tout l'intérêt de la notion de capacité thermique dans le cas où le transistor aurait à dissiper des fortes puissances pendant des temps très brefs. Il serait absurde d'utiliser dans ce cas les calculs de résistance thermique.
Ce processus a une limite : il ne faut pas perdre de vue que le paramètre critique est la température de jonction, et que la liaison silicium / lead frame (soudure) a une résistance thermique non nulle (environ 0,5°C/W) : il faudra veiller à ce que le produit de cette résistance thermique par la puissance instantanée (échauffement) ajouté à la température du lead frame ne dépasse pas le maximum de la température de puce autorisé par le constructeur. Pour des pulses d'énergie très courtes, la puce elle même a une capacité thermique non nulle, mais il faut faire attention aux transistors bipolaires : l'application d'une forte puissance instantanée créé des points chauds localisés à la surface de la puce qui vont drainer de plus en plus de courant, ce qui va entraîner un effet d'emballement local et aboutir à la destruction de la puce (phénomène de second claquage). Ce phénomène est complexe, et si on doit utiliser des transistors à la limite , on se reportera aux ouvrages adéquats avant toute manipulation (qui pourrait dans ce cas coûter fort cher !).
Le processus décrit précédemment l'a été pour le transistor seul. On peut généraliser à tout l'empilement thermique. Cet empilement serait alors une succession de résistances et de capacités thermiques :
Fig. 5. Schéma thermique équivalent.
On parle alors dans ce cas d'impédance thermique, et l'analogie avec l'électricité est immédiate. La Fig. 5. donne tous les éléments du schéma équivalent que l'on traite avec les équations et le formalisme de l'électricité. On notera les deux composants qui forment le début et la fin du schéma : l'énergie électrique est schématisée par un générateur de courant, et l'air ambiant comme une source de température. Cette dernière approximation est fausse si le montage est confiné dans un boîtier mal aéré ou si la convection est forcée (ventilateur). Dans tous les cas, une bonne expérimentation est nécessaire après les calculs et simulations pour vérifier le bien fondé des hypothèses et la validité du modèle.
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