même coup les vibrations qui sont la plaie de ces systèmes mécaniques.
De fait, aucun axe ne pourrait tourner dans un palier s'il n'y avait un petit écart entre les deux diamètres, un écart que l'on s'efforce de minimiser mais qui n'est jamais nul - s'il l'était les deux pièces seraient emmanchées, ce qui est un bon système de fixation mais pas de rotation.
Il n'y a donc pas d'assemblage mécanique sans un certain jeu entre tous les éléments mobiles mais ces éléments ne sont jamais géométriquement parfaits, et dès qu'ils sont mis en rotation apparaît la force centrifuge qui les tire en rond du côté où est le balourd. L'axe se met à battre dans le palier à la même cadence que la rotation, et ces chocs vibratoires sont une des causes majeures de fatigue et d'usure des organes.
Les mouvements de translation donnent lieu aux mêmes vibrations parce que les pièces ne sont jamais vraiment rectilignes, au sens mathématique du terme. On peut en apportant un soin extrême à l'équilibrage et à l'usinage des éléments, réduire ces vibrations et les maintenir dans des limites telles qu'elles ne nuisent pas trop, mais on ne peut pas les éliminer totalement. La chasse aux balourds et aux défauts d'alignement est une priorité dans l'industrie mécanique, mais on peut aussi, voie originale, chercher le déséquilibre pour créer le mouvement.
nous allons construire aujourd'hui. Il a ceci de particulier qu'il avance, alors qu'aucune force motrice n'est transmise aux roues, et qu'il n'a bien sûr ni voiles ni hélices.
En fait, il s'agit strictement d'un engin à réaction, mais au sens où l'entendait Newton quand il formula le principe d'action et de réaction : il n'y a ni tuyères ni fusée, mais plus simplement une masse lotte excentrée dont l'action horizontale provoque une réaction opposée et dans le sens de la marche.
L'engin est on ne peut plus simple : on monte sur un châssis comportant 4 roues libres, une masselotte excentrée, d'axe horizontal parallèle à l'axe des roues et entraînée par un moteur. N'importe quelle plate-forme à 4 roues convient, mais il faut que la masselotte soit proportionnée à la masse de cette plate-forme et que la vitesse de rotation soit accordée aux caractéristiques inertielles de la plate-forme - masse moment d'inertie, résistances à l'avancement dans un sens et dans l'autre.
Si tout va bien, dès qu'on lance le moteur on voit le châssis trépider, osciller, puis se mettre à avancer. A priori, il y a là quelque chose de tout à fait contraire aux lois de la physique : le balourd amène bien des oscillations, mais celles-ci sont égales vers le haut et vers le bas, vers l'avant et vers l'arrière.
Donc la voiture devrait commencer par se soulever quand la masselotte est en haut (la force centrifuge la tire à ce moment vers le haut, entraînant l'axe et tout le bâti), puis avancer un peu quand, dans sa rotation, elle passe à l'avant, s'écraser quand elle vient en bas et reculer d'une quantité égale à l'avance quand elle se retrouve à l'arrière.
Cette oscillation en rond est effectivement ce que l'on observe en général : le châssis se secoue de haut en bas et d'avant en arrière autour d'une position moyenne sans progresser vraiment d'un côté ou de l'autre. Mais il arrive aussi que la plate-forme portant l'excentrique sur le dos se mette à avancer - ou à reculer, ce qui revient au même : une voiture qui recule n'est jamais qu'une auto qui avance dans le sens du coffre.
En principe, aucun couple ne s'exerçant sur les roues et les réactions dues à la force centrifuge de l'excentrique s'annulant en un tour complet, le châssis ne devrait pas avancer. Comme il progresse quand même et que le principe d'action et réaction formulé par Newton il y a trois siècles n'a jamais été infirmé - à toute action s'oppose une réaction simultanée de sens opposé et de même intensité - il faut chercher l'explication dans le cadre de la mécanique classique.
Reprenons le schéma de fonctionnement : quand la masselotte se trouve vers l'avant, la force centrifuge qui tire le système dans la direction du balourd entraîne donc l'axe vers l'avant ; celui-ci étant lié au châssis, c'est finalement ce dernier qui avance puisqu'il n'est lié à personne. Bien sûr, il ne progresse que d'une distance minuscule : au plus, quelques millimètres. Dans cette progression, il doit vaincre la résistance à l'avancement due aux frottements des axes de roues dans leurs paliers, et aux frottements des pneus sur le sol.
Quand la masselotte a repassé la verticale descendante, la force centrifuge tire en sens opposé et tend à faire reculer le mobile. Si les forces de frottement étaient parfaitement égales dans les deux sens, la distance de recul serait égale à la distance d'avance et le mobile ne ferait qu'osciller d'avant en arrière par rapport à la verticale.
En pratique, il suffit d'un rien pour que les résistances au mouvement ne soient pas égales dans les deux sens : que les stries du pneu soient orientées, qu'il y ait plus d'huile d'un côté du palier que de l'autre, que l'engin soit sur un tapis dont les poils sont couchés dans une certaine direction, et ainsi de suite.
Dans l'absolu, les résistances dans un sens et dans l'autre ne sont jamais égales ; mais elles peuvent être très voisines, et surtout variables avec le trajet (très petit) parcouru : à ce moment le mobile progresse d'une fraction de millimètre, puis le sens de la résistance s'inversant parce que la roue a rencontré une pépite où que l'axe est un peu voilé, il recule d'une quantité à peu près égale, puis repart en avant, puis en arrière, et finalement il fait du surplace.
Par contre, si la masselotte est assez grosse par rapport au châssis, les trajets avant-arrière sont suffisamment grands pour que leur différence reste sensible et le mobile finit par progresser dans une direction. A défaut, et c'est ce que nous avons fait, on peut intervenir pour que les résistances à l'avancement dans un sens et dans l'autre soient vraiment très différentes : il suffit pour cela de mettre une roue à rochet sur l'un des axes. L'engin peut avancer, mais pas reculer.
Ce genre de roue avec des dents taillées en biseau et un cliquet à ressort n'étant pas très courant Pierre Courbier, après avoir modifié le modèle de notre lecteur, a beaucoup simplifié le dispositif : une lame souple sert de cliquet, et un pneu Fischer Technik à sculptures très apparentes fait office de roue à dents obliques. Moyennant ce petit coup de pouce au destin, on évite d'avoir à accorder avec précision la masse du balourd à celle de l'engin entier, et à chercher patiemment la bonne cadence à donner au moteur.
Pour être juste, le mobile peut être construit à partir de n'importe quels composants : Meccano, Lego, Fischer Technik, ou éléments de récupération quelconques, le tout est d'avoir une plate-forme sur 3 ou 4 roues libres, et de fixer dessus un moteur avec un volant excentré - une roue lestée fait l'affaire. Cela pour dire que chacun peut bâtir son propre mobile, et que celui que nous proposons n'est qu'un modèle susceptible d'innombrables variations personnelles.
Comme toujours notre base de construction reste le polystyrène choc en feuilles de 2 mm d'épaisseur que l'on peut se procurer, directement ou par correspondance chez Adam Montparnasse, 11 Bd Edgar Quinet, 75014 Paris, ou chez Pierron, 57206 Sarreguemines Cedex.
En ce qui concerne les autres éléments, nous l'avons dit, on s'efforcera d'utiliser au mieux ce qui est disponible sous la main : axes, vis, poulies, écrous peuvent se trouver chez le quincaillier, chez le spécialiste en modèles réduits... ou au fond d'un tiroir. Pour être franc, le chariot inertiel pourrait se faire aussi bien en Meccano, en Fischer Technik ou en Lego.
Notre modèle, réalisé selon la méthode Hobbystyrène de Paul Courbier, fait appel au polystyrène en feuilles de 2 mm. On commence par le châssis en se reportant aux figures 1, 2 et 3. Après avoir percé quatre trous de 4 mm sur les pièces B et B1 aux cotes indiquées figure 2, on assemblera les pièces A, B1, C, C1 de manière à constituer le châssis.
Pour obtenir un bon alignement des paliers, on aura intérêt à percer les pièces B et B1 en les superposant et en les immobilisant préalablement avec du ruban adhésif. Toutes les roues sont fixes sur leurs axes qui, eux, tournent librement dans leurs paliers. On peut, si on le désire, fabriquer les deux roues libres en les découpant dans des disques de 47 mm en polystyrène (technique du compas de découpe).
Pour les roues qui reçoivent le cliquet, nous avons pris des pièces Fischer Technik de 47 mm de diamètre, lesquelles comportent un bandage en plastique noir dont les dessins joueront le rôle de denture pour ce cliquet, nous avons amélioré l'adhérence de ces roues en les munissant d'un bracelet de caoutchouc qui vient se loger dans la rainure prévue à cet effet. Les axes étaient constitués par des tiges d'acier de 110 mm, au diamètre de 4 mm.
Le bloc de propulsion est illustré figures 4, 5 et figure 6. On tracera, marquera et découpera les pièces D, E1, E2, E3, E4, F, g, H, I1, J1 et J2 - figures 4 et 5 - et on les percera d'un trou de 4 mm. En raison des oscillations que devront supporter les paliers, chacun est constitué de deux pièces superposées et collées - respectivement E1, E2 et E3, E4. Deux équerres J1 et J2 les maintiendront verticaux sur D.
La masselotte est découpée aux cotes données figure 5 ; afin d'augmenter sa portée sur l'axe (tige acier ou laiton de 4 mm, longue de 80 mm), elle sera renforcée à l'une de ses extrémités par les deux carrés I1 et I2. Cette extrémité sera percée, après séchage, d'un trou de 4 mm - prévoir le perçage sur l'ensemble des trois pièces superposées et assemblées provisoirement avec du ruban adhésif.
De chaque côté de l'autre extrémité du bras de la masselotte, on collera (cyanocrylate) trois rectangles de plomb d'épaisseur 1,5 à 2 mm, deux d'un côté et un de l'autre, si l'on ne dispose pas de plomb en feuille, on pourra le remplacer par un tortillon de soudure ou des pièces de deux francs superposées et collées, leur nombre étant fixé lors d'essais ultérieurs.
On collera sur D, à l'emplacement indiqué figure 4, l'un des supports de palier avec son équerre. Puis on collera à égale distance des extrémités de l'axe la masselotte (cyanocrylate) et la poulie à gorge (Pierron) de 30 mm de diamètre. La poulie sera collée à la fois sur l'axe et sur le côté de la masselotte, le tout devant former un ensemble solidaire.
On découpera ensuite les entretoises d'écartement dans un chalumeau plastique de 5 mm. Leurs longueurs doivent être telles que la masselotte soit disposée à égale distance des deux extrémités de l'axe. On installera ensuite les pièces en collant provisoirement sur D (par points de colle) le second porte palier, sans oublier de mettre des rondelles - figure 6 - de part et d'autre des entretoises et de disposer le bracelet de caoutchouc (diamètre de 40 mm environ) qui va servir de courroie d'entraînement.
Il reste à mettre en place le moteur ; nous avons choisi un moteur Mabuchi BE 26. En fait tout moteur électrique récupéré sur un jouet (et 99 fois sur 100 c'est un Mabuchi, à se demander qui fabrique des moteurs à part eux) peut convenir - mais bien souvent ces moteurs ont un axe trop court et il faut le prolonger par un tube laiton collé en bout. Nous avons utilisé un tube long de 3 cm (diamètre intérieur 2 mm, extérieur 3 mm) qui est collé à la cyanocrylate sur l'axe.
Cette opération de collage est délicate, et il faut faire attention, car cette colle est très fluide et risque de s'infiltrer dans le palier interne du moteur ; dans ce cas, le blocage est presque toujours irrémédiable et il ne reste plus qu'à le jeter. C'est pourquoi on a intérêt à utiliser de la colle cyanocrylate de type gel et à n'en mettre qu'une quantité infime.
Le moteur sera alimenté par deux piles de 1,5V (type LR20) montées en série. Comme il est souhaitable de pouvoir régler la vitesse de rotation, nous avons prévu d'intercaler dans le circuit un rhéostat (potentiomètre bobiné de 15 ohms). Cette solution, peu rigoureuse sur le plan technique car une partie de l'énergie des piles est inutilement convertie en chaleur, a cependant l'avantage de la simplicité d'exécution et autorise un réglage fin de la vitesse du moteur.
A noter qu'un potentiomètre comporte trois cosses ; dans notre cas, nous nous en servirons comme rhéostat et feront le branchement sur la cosse centrale et sur l'une quelconque des deux autres.
Le moteur Mabuchi comporte côté sortie de l'axe un épaulement d'un diamètre de 6 mm qui sera introduit et collé (cyanocrylate) dans un trou foré dans la pièce g, laquelle sera ensuite fixée (colle Uhu-Plast) à son emplacement prévu sur D - figure 6. Une découpe est prévue sur cette pièce afin de laisser le passage à la masselotte en rotation.
Le second palier de l'axe du moteur sera foré dans la pièce H - trou de 3 mm de diamètre. Avant de coller h sur D, on mettra en place la courroie et dès que les collages seront secs, on essaiera le fonctionnement du bloc moteur après avoir mis une goutte d'huile dans les quatre paliers. La vue en perspective de la figure 6 précise les dispositions de ces pièces.
Pour tenir les deux piles, nous avons utilisé deux boîtiers connecteurs Wonder de type Sollo ; toute autre solution peut convenir, y compris la soudure directe des fils aux piles - mais dans ce cas, un interrupteur sera nécessaire. Les soudures des fils de liaison ne posent aucune difficulté. Si le potentiomètre est du type avec boîtier plastique et axe intégré, il sera nécessaire de le fixer sur le châssis.
Le nôtre, réglable avec un tournevis, était directement soudé par l'une de ses cosses sur une des cosses du boîtier de piles. Il reste à assembler les deux boîtiers Sollo en utilisant les rainures prévues à cet effet, et ensuite à les coller sur l'arrière du châssis à l'aide de morceaux de Scotch Mount.
Le cliquet est illustré figures 7, 8 et 9. Dans une lamelle rectangulaire (6 x 45 mm) de laiton ayant environ 0,3 mm d'épaisseur - une grande lame de pile 4,5V devrait convenir - on découpera une encoche comme précisé figure 7. L'extrémité non encochée sera enroulée sur elle-même avec des pinces à bout rond afin de former un cylindre épousant une vis de 3 mm longue de 18 mm.
Cette vis sera introduite dans un trou du même diamètre foré dans la pièce B (voir cotes figure 8). On cambrera ensuite la languette immobilisée par les écrous qui l'enserrent de part et d'autre, afin que son extrémité échancrée repose dans les rebords dentés du pneu de la roue Fischer Technik.
Pour jouer correctement son rôle de cliquet, l'extrémité de la languette doit empêcher le retour en arrière de cette roue ; mais le frottement dans l'autre sens doit être aussi faible que possible. C'est pourquoi un réglage fin est nécessaire ; on le fera avec des pinces plates en déplaçant le chariot à la main jusqu'à ce que le meilleur résultat soit atteint.
Il ne restera plus ensuite qu'à procéder aux essais sur une surface lisse et plane - faute de planéité, l'engin descend la pente mais ne la remonte en général pas. Les réglages consisteront à tourner l'axe du rhéostat de façon à obtenir la vitesse de rotation qui permet l'avance du chariot sans qu'il soit soumis à des soubresauts trop importants.
On aura ainsi réussi à faire un engin qui progresse apparemment sans point d'appui ni force appliquée aux roues. Tout le mystère réside dans le principe d'action et de réaction, et dans la dissymétrie entre les forces de résistance à l'avancement dans un sens et dans l'autre. Mais ce n'est pas évident pour celui qui découvre pour la première fois ce curieux mobile.
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